Ma famille et moi vivons au Mali depuis maintenant huit mois. Je vais vous partager mon cheminement et mon expérience d’émigration.
Pour la petite présentation, au moment de mon départ, j’avais 30 ans et étais mariée depuis 8 ans. Nous avons 3 fils de 7 ans, 4 ans et 2 ans. Sur le plan professionnel, mon mari travaillait à temps plein et j’avais une petite activité de création d’objet personnalisés qui me permettait d’arrondir les fins de mois.
La Hijra, un projet qui s’est construit avec le temps
Je souhaitais inscrire mes enfants dans une école musulmane. Depuis plusieurs années, malgré mes recherches et mes démarches ils étaient toujours sur liste d’attente. Ça commençait à être compliqué car c’était vraiment une question importante pour mon mari et moi.
En parallèle nous avions deux grands projets de vie en lien avec notre religion. Il s’agissait d’accomplir le pèlerinage d’abord puis de faire la hijra. Nous avons pu accomplir le pèlerinage en 2018, il ne nous restait plus qu’une étape à franchir.
On s’est donc fixé une date limite d’un an pour affiner notre projet de déménagement. Nous avons choisi le Mali car c’est le pays dont nous sommes tous les deux originaires et nous y avions déjà été à plusieurs reprises. J’ai également de la famille sur place : ma petite sœur qui a émigré seule il y a quelques années et mon père qui fait des séjours réguliers depuis son départ en retraite.
Mon mari s’est donc inscrit à un groupe de discussion de personnes ayant émigré au Mali. C’est par cet intermédiaire que nous avons appris qu’une école musulmane allait ouvrir. Pour nous ça a été un déclic.
Nous nous sommes donc renseigné sur la future école et le quartier dans lequel elle se trouverait. Il s’avère que la tante de mon époux y possédait un logement qu’elle souhaitait faire louer. Nous avons donc sauté sur l’occasion.
Le déménagement et sa préparation
Nous n’avons pas eu à aménager notre futur appartement car il était déjà meublé. Je pense que cela nous a facilité d’un point de vue logistique. En ce qui concerne nos affaires personnelles, nous les avons fait transporter par conteneur. Il s’agissait principalement de vêtements, petit meubles, literie, ustensiles et robots ménagers. On a également fait le choix d’inclure des provisions alimentaires pour avoir des réserves et s’habituer progressivement à la nourriture locale. L’acheminement de nos effets personnels nous a coûté environ 1000 €
Nous voulions gérer notre installation nous-même, nous avons donc choisis des billets d’avions nous permettant d’arriver en même temps que nos affaires.
Au Mali, il est courant de trouver de grandes villas divisées en appartements. Nous vivons dans ce type de résidence. Notre appartement est de type F4 avec un très grand balcon. C’est un logement beaucoup plus spacieux que celui que nous avions en France. L’espace extérieur est assez grands pour que les enfants puissent faire du vélo, jouer au ballon ou pour que nous puissions y faire des barbecues.
Une phase d’adaptation
Quand on change de pays, il faut bien entendu s’adapter même si certaines choses peuvent être plus compliquée que d’autres. Pour moi les deux points les plus compliqués étaient la gestion de l’eau et l’abondance de poussière due au sable. Même si aujourd’hui ça me fait sourire, car j’ai pris l’habitude, ce n’était vraiment pas si simple au début.
Dans la rue où nous vivons, il n’y a pas l’eau courante. Chaque famille a une réserve d’eau qu’elle conserve dans de grands fûts d’une capacité de plusieurs centaines de litres. Ils sont remplis toutes les semaines par des personnes dont c’est le métier. Ils vont chercher l’eau à la source et remplissent les fûts des habitants pour 250 francs CFA ( 0,42 € ) si on habite au rez-de-chaussée et 500 francs CFA ( 0,75 € ) si on habite à l’étage.
Pour ce qui est de la poussière, il faut savoir que les rues sont très peu goudronnées. Il y a donc essentiellement du sable sur le sol. Avec le vent, le sable entre dans les maisons et encore plus quand il y a des petites tempêtes de sable !
La Hijra et son impact dans le quotidien des enfants
Mes fils sont scolarisés à l’école « la promesse », les cours y sont dispensés en arabe, anglais et français. Les matières et le programme scolaire sont sensiblement les mêmes qu’en France. Ils ne sont donc pas déstabilisés à ce niveau-là. Le week-end, ils vont à la madrassa – l’école mentionnée dans le groupe de discussion – pour y apprendre l’arabe de manière plus approfondie. Les autres cours qui étaient dispensés dans l’établissement ( coran, religion…) sont suspendus pour le moment.
Pour ce qui est du suivi pédiatrique, ils étaient à jour dans leurs rendez-vous avant notre arrivée. Comme ils ne sont pas tombés malades jusqu’à présent – alhamduliLlah – je n’ai pas eu besoin d’aller chez le pédiatre. Cependant, il y a de nombreuses cliniques sur place et je pense me tourner vers des connaissances pour faire le meilleur choix.
Les loisirs et les commodités au Mali
Comme lorsque j’étais en France, j’ai tenu à avoir une petite activité professionnelle. Je donne des cours d’arabe en ligne aux débutants. Mon mari quant à lui a recherché activement un emploi dés notre arrivé. D’après notre expérience sur place, il semble plus facile de créer sa propre activité que de trouver un emploi stable et bien rémunéré.
En ce qui concerne nos loisirs et nos occupations, nous nous accordons une belle sortie au moins une fois par mois en famille. Nous sommes allés au campement quelques jours par exemple – c’est un peu l’équivalent de central parks en France. Sinon nous allons au restaurants, au zoo etc..
Pour faire nos courses, on diversifie nos sources d’approvisionnement selon le type d’achat que l’on doit faire. Il y a les supermarchés où l’on trouve à peu près tout ce qu’il y a en France. Par contre les prix ne sont pas les mêmes surtout pour les produits laitiers ( fromage râpé, vache qui rit ) ou boissons ( oasis etc..). Pour les fruits et légumes nous allons au marché ou à l’épicerie et pour la viande on se rend à la boucherie.
Le but de la Hijra, l’émigration en terre d’Islam
Ici, on sent l’islam au quotidien. C’est un grand bienfait alhamdouliLliah ! Cela commence dès le matin avec le son de l’appel à la prière qui nous accompagne tout au long de la journée. Dans la rue, les gens ont souvent un tapis de prière sur eux et les lieux publics ainsi que les boutiques mettent à disposition le nécessaire pour faire ses ablutions. Ainsi, quand c’est l’heure de prier on voit des marées humaines se diriger vers la mosquée. Il y en a quasiment à chaque coin de rue et on trouve dans la très grande majorité des cas une salle dédiée aux femmes.
Il faut cependant être vigilant d’un point de vue religieux car le Mali est certes un pays musulman mais il existe aussi des sectes etc… Il est important de rester prudent de ce côté là.
Quand on rentre dans une boutique et que c’est l’heure de prier, il n’est pas rare que le gérant ne soit pas là. Ils ont l’habitude de s’absenter pour prier et ils reviennent ensuite pour poursuivre les transactions. Il y a une certaine confiance qui règne. D’ailleurs je me sens beaucoup plus en sécurité au Mali qu’en France. Lorsque je marche seule, même à la nuit tombée, je ne suis pas autant sur mes gardes qu’en région parisienne.
Avant d’arriver au Mali, nous savions grâce au groupe de discussion qu’une petite communauté de français émigrés a commencé à se développer sur place. Ils se connaissent et se côtoient plus ou moins même s’ils sont dispersés sur le territoire. Certains ont été d’une grande aide lors de notre installation en nous donnant des astuces et en partageant de bonnes adresses par exemple. J’avoue cependant que personnellement, je préfère me mélanger à la population locale plutôt que de former un groupe à part.
Ce que je conseillerais à quelqu’un qui souhaite s’installer au Mali
Si j’avais un conseil à donner ce serait de venir en repérage pour choisir son logement avant de déménager définitivement. Sinon il faut déléguer cette tâche à une personne de confiance. C’est une question importante parce que c’est essentiel de se sentir bien chez soi.
Je conseille également de prévoir un fut avec des denrées alimentaires ( conserves, pâtes, riz etc..). Cela permet d’avoir des réserves le temps de prendre ses marques, de trouver les denrées qui vont nous convenir et de repérer les commerçants qui vendent des produits de qualité.
Enfin, mon dernier conseil concerne le domaine professionnel. Je suis d’avis qu’il est bon d’avoir une activité lucrative si minime soit-elle. On a toutes des compétences ou des connaissances qu’on peut mettre à profit. Il y a beaucoup d’opportunités si on souhaite se lancer dans un projet.
Les point positifs
- La grande facilité dans la pratique de la religion
- C’est une richesse culturelle pour les enfants qui grandissent dans un nouveau pays et s’imprègnent de ses valeurs sans perdre leurs repères. L’école est faite en français et ils ont les mêmes matières qu’ils avaient auparavant. Ils ont également un bon nombre de camarades qui viennent de France.
- Le sentiment de liberté qu’on ressent à différents niveaux. Le rythme de vie est plus « cool », il y a moins de démarches administratives et surtout l’islamophobie est inexistante.
Les points négatifs
- Je ne sais pas comment font les maliens mais ils arrivent à repérer les personnes qui viennent de l’étranger en un coup d’œil ! Du coup quand on a l’étiquette de « français » on est d’office mis dans la catégorie riche. Il faut alors sans cesse négocier les prix pour ne pas payer au prix fort.
- Le système de gestion des déchets est mal organisé. Du coup il y a de quartiers plus ou moins entretenus à ce niveau-là. Malheureusement on trouve aussi beaucoup de sac plastiques par terre. La pollution est un gros problème…
- Les coupures d’électricité ! Il y en a beaucoup mais comme tout, on finit par s’y habituer.