Le mouvement féministe, bien qu’ancien, connaît depuis plusieurs années, une résonnance nouvelle. Les nouveaux moyens de communication, les opérations coups de poing et la place grandissante des questions féministes dans le débat public y contribuent grandement.
Comme tout mouvement, le féminisme a ses adeptes et ses détracteurs sur le fond comme sur la forme. Chez Youma, on a souhaité explorer le regard que portent les hommes sur cette cause particulière bien souvent portée par les femmes pour les femmes.
Quatre hommes ont bien voulu se prêter au jeu et partagent ici leur avis personnel sur la question.
Le féminisme c’est quoi au juste ?
Moussa – Je considère le féminisme comme un combat qui ne devrait même pas exister. L’égalité homme-femme doit couler de source et les femmes ne devraient pas avoir à constamment se battre pour bénéficier de droits élémentaires !
Mehdi – J’ai un peu de mal à cerner exactement ce qu’est le féminisme. J’ai l’impression que c’est parti d’un combat pour l’égalité homme-femme sur le plan professionnel et que ça a fini par devenir un fourre-tout. Après j’admets qu’étant issu d’une famille de garçons, ce n’est pas le sujet que je maitrise le mieux…
Abdel – Je perçois le féminisme comme une lutte assez extrême dans laquelle les femmes cherchent à dominer les hommes et parfois même se dominer entre elles… Je m’explique : à mon sens, certaines féministes ont une idée type de ce que devrait être une femme libre et indépendante. A partir du moment ou d’autres femmes n’aspirent pas entièrement à cette vision, on ne les considère pas comme de réelles féministes.
Vincent – Le féminisme c’est un combat pour qu’on prenne le point de vue des femmes en compte. Qu’on puisse voir la société à travers leur yeux et ajuster les choses pour parvenir à une relative équité dans un monde construit pour les hommes.
L’Islam et le féminisme font-ils bon ménage ?
Abdel – Je considère l’Islam comme une religion féministe dans la mesure où elle a permis de faire évoluer le statut de la femme. Par ailleurs, de grandes figures de l’Islam sont des femmes, dont certaines ont rapporté des milliers de ahadith qui nous sont essentiels aujourd’hui.
Moussa – On pourrait croire que la femme a une place secondaire en Islam mais loin s’en faut. Il suffit de se pencher sur le rang de la mère ou sur toutes les dispositions mises en place pour protéger les droits et les biens des femmes. Malheureusement beaucoup d’habitudes culturelles sont assimilées à tort à l’Islam. Il y a des hommes qui se servent de la religion comme prétexte pour manipuler certaines femmes et leur faire croire qu’ils ont tous les droits sur elles. D’où l’importance de bien connaître sa religion en général et ses droits et devoirs en particulier.
Mehdi – D’un point de vue socio-historique, l’Islam a mis le holà à la pratique barbare qui consistait à enterrer vivantes ses nouveau-nées filles dans une société où avoir une fille était considéré comme une calamité. Plus globalement, je pense qu’il existe plusieurs visions du féminisme. C’est un sujet assez complexe et chacun en a sa conception et l’appréhende à sa manière. L’Islam a sa propre définition du féminisme. Un féminisme où la femme a un statut manifeste mais où elle doit également être protégée en appliquant certains principes.
Quel est la cause défendue par les féministes que vous trouvez primordiale ?
Vincent – Je suis pour une plus grande représentation des femmes dans les hautes sphères. Les conseil d’administration, les bureaux de direction etc… sont trop masculins. Le plafond de verre est bien réel et arrivé à un certain niveau de responsabilité, les femmes sont quasi inexistantes. On a pourtant besoin d’entendre leur point de vue et d’explorer leurs idées pour apporter des solutions plus complètes et partagées.
Moussa – Les violences faites aux femmes c’est la cause que je soutiens à 100%. Déjà la violence en général je n’adhère pas mais alors quand les femmes en sont les victimes… je n’ai pas de mots ! Aucun raison ne sera jamais valable pour en arriver là. Il faut continuer la lutte contre ce fléau et être ferme dans les sanctions.
Mehdi – D’un point de vue pragmatique, la cause qui me paraît la plus « simple » à traiter aujourd’hui c’est celle de l’égalité salariale. À compétences et travail égal, la rémunération devrait être équivalente. Contrairement à la lutte contre le harcèlement de rue ou les violences faites aux femmes qui nécessitent un travail de fond, d’éducation même… l’inégalité salariale est un problème qui peut être résolu à très court terme. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi on avance si lentement sur ce sujet.
Y-a-t-il une cause ou un mouvement dans le féminisme auquel vous n’adhérez pas du tout ou qui vous pose question ?
Vincent – Franchement le féminisme qui joue la provoc’ très peu pour moi ! Les femen qui protestent à moitié nues je n’adhère pas du tout. Il y a d’autres moyens de se faire entendre… D’autant plus que de nombreuses femmes ont mené un combat pour que leur corps ne soit plus perçu comme un objet et avec l’approche des femen ou d’autres j’ai le sentiment qu’on fait un grand bond en arrière.
Mehdi – En tant que musulman, je suis sensible au sujet du voile. Les féministes luttent pour qu’une femme puisse se promener en mini-jupe sans se faire harceler… Il devrait en être de même pour que les femmes qui portent le hijab puissent également se balader sans se faire harceler ou malmenées. Je trouve qu’on n’entend pas assez les féministes sur ce sujet précis et notamment dans les médias.
Moussa – Je vais peut -être me faire lyncher mais je ne suis pas trop d’accord avec le combat « on s’habille comme on veut ». Non pas pour exercer un contrôle sur le corps de la femme mais plutôt dans un soucis de prudence. Il faut être réaliste, on vit dans un monde où une femme habillée légèrement se fera bien souvent embêter dans la rue. On ne changera pas les hommes malheureusement… Je serai d’avis que chacun et chacune s’habille de manière « décente » pour éviter toute déconvenue et donc pour se protéger.
Au quotidien, avez-vous un petit côté feministe ?
Abdel – Je suis issu d’un fratrie où les quatre plus grands sont des garçons. Dès mon plus jeune âge, j’ai donc mis la main à la pâte pour les tâches ménagères et les corvées… hors de question que ma mère fasse tout le boulot ! Aujourd’hui en tant qu’époux et père de trois filles, je continue sur cette voie. Ma femme et moi on se partage toutes les tâches qu’il s’agisse des courses, de la cuisine, de donner le bains aux enfants ou de les récupérer à l’école etc… Nous sommes dans un partage des tâches assez naturel. Ce n’est pas un sujet de dispute ou de débat ou chacun pointe l’autre du doigt quand une chose n’est pas faite.
Moussa – Culturellement, j’ai été éduqué dans une société où les femmes sont à la cuisine et où on se moque des hommes qui approche des fourneaux. Aujourd’hui avec les années et le mariage j’ai dépassé ces stéréotypes. J’accomplis les tâches ménagères au quotidien même si je ne suis pas aussi bon cuisinier que ma femme ! Sur un autre registre, je ne reste pas passif quand je vois une femme en danger ou qui se fait embêter dans la rue ou les transports. Je suis intervenu à plusieurs reprises dans ce type de situation et je continuerai à le faire tant que ce sera nécessaire.
Vincent – Je suis papa d’une petite fille et mon engagement féministe au quotidien c’est de l’éduquer au mieux pour qu’elle sache qu’elle pourra tout accomplir. Je ne veux pas que les préjugés et stéréotypes de notre société l’empêche de s’épanouir et de s’accomplir. Des activités de loisirs à l’orientation, rien ne sera impossible pour elle sous prétexte qu’elle est une fille… bien au contraire.